tout le monde sait que freud était un pervers sexuel et un charlatan.
freud = père de la psychologie et psychologues exercent la psychologie donc les psychologues sont des charlatans (et des pervers sexuels). CQFD*

Cela faisait quarante minutes qu'elle était allongée sur ce divan face à cette psy, Koquelque chose, elle ne se souvenait plus de son nom. Elle écrivait des choses sur son calepin depuis toute à l'heure. Faustine ne voyait pas quoi puisqu'elles n'avaient rien dit, absolument rien. Elle était peut-être en train de faire des mots croisés ou un sudoku, ouais ou alors elle lui tirait le portrait. Les fous étaient partout même là où on ne les attendait pas. « Donc on ne va pas parler pendant toute l'heure ? Vous êtes pas sensée me dire 'pourquoi vous êtes-là ?' ou genre me faire parler pour savoir quel est mon problème ? » Les deux femmes se jaugent trente secondes puis la psychologue écrit de nouveau sur son calepin ce qui agace particulièrement Faustine. « Et vous écrivez quoi sur ce calepin depuis tout à l'heure ? Si ça parle de moi, j'ai un droit de regard. Non mais parce que je me méfie. J'aurais jamais du venir mais c'est Judith qui m'a poussée à venir, ma meilleure amie. Elle dit que j'ai des problèmes, la blague. Tout le monde à des problèmes mais tout le monde ne consulte pas un psy, sans offense. Elle ferait mieux de s'occuper de son cas et d'aller consulter. » Faustine tourna la tête pour une réponse mais rien. Elle reporta alors son regard vers le plafond. « Alors c'est vraiment pas un mythe le psy qui ne parle pas ? C'est chiant quand même, enfin ça doit l'être ? Vous n'allez pas répondre de toute manière. » De nouveau le silence. « Bon puisque c'est comme ça, je me tire. Et je payerais pas, vous n'aurez cas à me le réclamer par téléphone. Je ne répondrais pas, ça vous renverra la pareille ou adressez-vous à Judith. » Elle prit sa veste son sac et claqua la porte. Elle était furieuse. Qu'est-ce qu'elle était venue faire-là ? Elle avait perdu quarante minutes de sa vie. Elle envoya un sms à Judith : toi et tes idées stupides, je vous retiens. Ça n'a été en rien productif, fous la paix à mes problèmes et à moi-même. Bluebird à 20H. Vodka, orange voilà qui semblait être une bien meilleure thérapie.

Deux jours s'était passé depuis sa consultation. Elle n'y avait pas repensé à vrai dire mais assise sur son canapé ça lui revenait. Quelle idée vraiment stupide avait eu Judith ! Qu'aurait-elle pu dire à cette psy ? 'Bonjour je m'appelle Faustine, Eleanor, Maria Davenport, trente ans, divorcée. Je suis pianiste, oui c'est un vrai métier. J'ai pas eu de relations sexuelles depuis six mois mais ça va, c'est pas signe d'un dysfonctionnement. J'adore les framboises voilà.' Elle se voilait la face bien sûr. Elle n'évoquait pas avoir perdu sa fille et ça c'était un sacré traumatisme. Elle pourrait dire aussi qu'à la place de son cœur, il y avait un trou noir. Oui elle pourrait si ça ne faisait pas trop mal. Elle avait tout réussi dans la vie : les études, elle avait trouvé le bon mari, avait eu un enfant avec lui. Elle avait coché toutes les cases dans le bon ordre et pourtant tout était terminé. Elle avait tout perdu. Elle se retrouvait maintenant toute seule dans un appartement trop grand pour elle dont les murs étaient blancs, bien trop blancs. Elle n'avait aucune photo à afficher. Le passé lui donnait la gerbe, la nostalgie la mettait en colère. Les gens avaient du mal à le comprendre à commencer par ses parents, Fanny et Gary Davenport. Après son divorce d'avec Teddy, ils s'étaient sentis obligés de venir la voir pour une durée indéterminée ce qui voulait grossièrement dire squatter son appartement. Avec leur bonne volonté exagérée, ils s'étaient engagés à l'occuper continuellement afin qu'elle ne pense pas aux tristes événements qui lui étaient arrivée. Ce cinéma avait duré plus de deux semaines. Faustine avait ensuite réussi à les faire partir bien que Judith, sa meilleure amie, ait repris le relais de ses parents depuis. Elle avait le sentiment d'être une assistée alors que tout ce qu'elle voulait c'était de la tranquillité. Car s'ils pensaient que la solution à ses problèmes était de lui en parler constamment, ça ne l'était pas.



peut-être qu'en fait j'ai vraiment un problème.
divorcée, a perdu un enfant, sexuellement frustrée, peut-être aussi sur la voie de l'alcoolisme.

Quand elle était petite, Faustine était une véritable petite princesse : elle demandait, elle obtenait. Telle une princesse, elle avait toujours rêvé au jour où elle rencontrerait son prince charmant. Comme dans toutes les histoires, ils se seraient mariés, auraient eu beaucoup d'enfants – ce point n'était pas nécessaire – et ils auraient vécu heureux pour toute la vie. Quelle belle vision du monde. On ne pouvait pas dire que sa rencontre avec Théodore avait été ce qu'elle avait imaginé. Non, il n'était définitivement pas l'image qu'elle avait du prince charmant. Il n'était pas un prince charmant mais il l'avait traité comme une princesse. Ça avait été largement suffisant avant que tout ne parte en vrille. Elle l'avait tellement aimé. Il avait été celui qu'elle avait le plus aimé. Elle l'avait plus aimé que sa famille, que Judith et même plus que son piano. Vous savez on parle des choses stupides que l'on fait quand on aime et bien Faustine les aurait faites pour lui. Elle se serait jeté d'un pont, sauté sur les rails alors que le train arrivait, pris une balle, etc. Ouais elle aurait fait tout ça. Mais tout ça c'était fini maintenant. C'est pourquoi elle ne savait pas ce qu'elle faisait, debout sur cette chaise devant son armoire à attraper le carton contenant toutes les photos de Teddy et elle. Il y en avait aussi d'Erin bien évidemment. Erin, chaque pensée lui arrachait une douleur intense au niveau de sa poitrine. Son bébé était mort. Elle prit le carton et s'assit sur son lit et l'ouvrit. Elle pleura beaucoup, devant chaque photo où se trouvait Erin. Le lendemain elle retournait chez la psy.

Selon sa psy, elle avait besoin de parler avec Teddy. En tout cas c'était plus facile à dire qu'à faire. Cela faisait un an qu'ils avaient divorcé. Elle imaginait qu'il avait du tourner la page, enfin qu'il ne devait pas penser à elle. Toute manière, pensait-elle à lui ? Non, oui, non, oui, certainement non ! Elle envisageait d'adopter un chien, elle avait déjà le nom pilote. Elle avait besoin de compagnie semblait-il. Elle commençait à réussir à parler d'Erin sans s'effondrer bien que c'était encore compliqué. Elle se disait qu'elle commençait réellement à se reconstruire. Peut-être que tout n'était pas foutu au final, peut-être qu'elle avait toujours droit au bonheur. Elle continuait à avoir de sacrés doutes là-dessus mais l'espoir revenait un peu. Elle avait de nombreuses rechutes. Elle continuait de fumer beaucoup, elle envisageait de se faire ligaturer les trompes depuis qu'elle avait cette théorie que son utérus était maudit. Judith lui avait dit que c'était des conneries, elle n'avait pas eu d'enfant décédé, d'enfant tout court. Ah elle s'était inscrite à des cours de pilate. Elle n'était pas sûre de continuer mais elle essayait de nouvelles choses, se socialiser d'avantage et surtout de réapprendre à sourire. Elle se remettait à la quête du bonheur.

*La personne derrière l'écran est en psychologie, elle s'amuse avec les clichés du psy. Étudiants en psycho (si vous êtes là :)) ne soyons pas fâchés