HAPPINESS ONLY REAL WHEN SHARED
Comme tous les matins, elle déjeunait seule. Les quelques rayons matinaux du soleil réchauffaient son visage aux traits encore enfantins. C’était tous les jours la même chose. Parfois, elle se disait que la vie était bien trop monotone pour être vraiment intéressante, mais au final, son petit train-train quotidien la rassurait. Les cris enragés des voisins du dessus brisaient le silence dans la petite cuisine de cet appartement New-Yorkais. Janice, sa mère, ne roulait pas sur l’or. Ça n’avait jamais été le cas et au final, William ne s’en plaignait pas. A quoi bon être riche comme Crésus ? Certes, l’appartement dans lequel la mère et la fille vivaient étaient loin de faire rêver, mais au moins, elles avaient un toit au-dessus de leur tête, c’était tout ce qui comptait finalement.
Enfonçant une nouvelle cuillère de céréales au lait dans sa bouche, William prenait le temps de bien mâcher sachant pertinemment que cette quiétude matinale ne tarderait pas à disparaître. Et comme un signe du destin, une silhouette apparut rapidement sur le pas de la porte. William y était tellement habituée qu’elle ne prit même pas la peine d’ouvrir la bouche pour saluer le nouveau venu. «
Salut gamine, t’es bien matinale dis-moi ! ». Il était torse nu, simplement vêtu d’un caleçon troué et très certainement sale. Ses cheveux étaient décoiffés et ses nombreux tatouages visibles sur ses biceps gonflés par le sport.
« J’ai cours aujourd’hui. », se contenta-t-elle de dire, sur un ton totalement monotone. Les cris des voisins cessèrent et William avala une grande gorgée de jus d’orange.
« Ah oui, j’oubliais que t’étais encore qu’une gosse… ». Elle détestait cette façon qu’il avait de lui parler, comme si elle n’était qu’une moins que rien. Elle haïssait cette lueur dans son regard lorsqu’il la regardait et cette manière qu’il avait de la déshabiller constamment du regard. Mais apparemment, Joe plaisait à sa mère, puisqu’il partageait le lit de sa génitrice depuis de nombreux mois.
Janice n’était pas connue pour ses longues relations. C’était une belle femme qui avait fait tourné de nombreuses têtes, du temps de sa jeunesse. Elle avait même réussi à mettre le grappin sur un futur avocat… ce qui ne lui avait pas valu d’élever son rang social, mais simplement de tomber enceinte. William connaissait son père, elle avait même passé quelques vacances chez lui étant plus jeune… mais elle n’était pas proche de lui. Comment l’être alors que sa vie était complètement différente de la sienne ? Elle le savait responsable d’un grand cabinet d’avocat dans le Texas. Il avait une femme, aux allures de ménagère parfaite, comme on en voit dans les pubs à la télévision. Il avait d’autres enfants et une vie bien rangée. Elle n’avait pas sa place à ses côtés. Elle qui vivait dans ce taudis et ignorait tous des auteurs qu’affectionnait son paternel.
Du plus loin qu’elle s’en souvenait, William avait toujours connu sa mère assez volage. Elle en avait rencontré des gars à moitié à poil dans sa cuisine. Des mecs louchent et un peu bizarres, mais elle s’y était fait, ça faisait parti de son quotidien. Joe en faisait parti. Bientôt, il ne serait plus là, remplacé par un autre tout aussi con et crade que lui. Pas question qu’elle s’y attache.
Silencieusement, elle se leva de sa chaise, attrapant son bol qu’elle plaça dans l’évier sous la fenêtre. Elle tourna les talons, prête à sortir de la petite cuisine lorsque la poigne ferme de Joe entoura son avant bras.
« Tu sais, tu pourrais quitter l’école et te trouver un job… Y a moyen que j’ai un plan qui pourrait nous rapporter pas mal de blé ! ». Elle soupira, pas le moins du choquée par ces paroles. Il n’était pas le premier con à lui proposer ce genre de choses et elle savait parfaitement ce qu’il voulait lui proposer. La prostitution. Dégageant son bras de l’emprise de l’homme, elle lui lança un regard mauvais avant d’ouvrir une nouvelle fois la bouche.
« Vas te faire foutre. », cracha-t-elle, avant de sortir définitivement de la cuisine pour se rendre dans la salle de bain où elle se doucha rapidement, pestant contre l’eau froide qui lui tombait sur la tête. A coup sûr Joe avait pris une douche et vidé le ballon d’eau chaude. Elle détestait ce con qui se croyait chez lui ! Mais c’était toujours comme ça. Les amants de sa mère manquaient cruellement de savoir vivre et elle savait sa mère beaucoup trop laxiste là-dessus pour oser le lui dire.
« T’as b’soin de tunes pour ce midi ? ». Sursautant, la blonde se retourna vers sa mère, dans l’encadrement de la porte de sa petite chambre. Elle enfila son t-shirt, colérique du fait que sa mère n’ait pas pris la peine de toquer à sa porte et attrapa son sac de cours.
« Non ». Sa mère était en peignoir, à moitié nue, un chewing-gum dans la bouche, une cigarette allumée au bout de ses doigts manucurés. Elle était encore belle, malgré les années et l’usure de la vie. Janice ne laissait personne indifférent. Lors des réunions parents professeurs à l’école, William voyait bien les regards consternés des autres parents sur sa mère… Trop maquillée, trop peu vêtue… Janice attirait les regards, se fichant bien des regards des autres. Un jour, William le lui avait fait remarqué et Janice lui avait simplement répondu qu’un aussi beau cul que le sien ne méritait pas d’être caché. Depuis ce jour là, elle avait cessé d’y faire attention.
« Tu fais la gueule ? », demanda Janice, de cet air hautain que Will détestait. Elle soupira, enfilant ses converses usés.
« Prendre mon ptit-déjeuner en face de ton gros con de ptit copain n’est pas la meilleure façon de commencer la journée, tu vois ! ». Janice lâcha un rire, surement encore sous l’emprise de substances loin d’être licites. Parfois, Will avait l’impression d’avoir à faire à une enfant dans le corps d’une femme. Janice avait grandi trop vite, goutant rapidement à une liberté qu’elle n’avait su gérer.
« Oh allez chérie, fais pas ta snob ! Joe est super cool ! Tu me fais penser à ton connard de père parfois ! ». Levant les yeux au ciel, William enfila sa veste en jean, sortant de sa chambre en bousculant sa génitrice sur son passage.
« J’vais au lycée, à c’soir ! ».
« Tu viens à la soirée de samedi ? ». Le lycée n’était pas son endroit favori, mais c’était toujours mieux que de traîner avec sa mère et Joe à l’appartement. Will n’avait jamais été particulièrement douée à l’école, mais au final, elle arrivait à s’en sortir. Ses professeurs avaient tendance à être indulgents avec elle, conscients que sa situation familiale était un peu spéciale. Mais elle n’en avait que faire. Au lycée, elle pouvait voir ses amis et avoir un semblant de vie normale.
« Bien sûr ! ». Contrairement à ses amis, elle n’avait pas besoin de demander à sa mère l’autorisation de sortir. A croire qu’avoir une femme complètement irresponsable comme tutrice avait des avantages.
« Euuuh Will, c’est normal que y ait les flics en bas de chez toi ? ». L’après-midi était sur le point de laisser place au soir et William avait terminé sa journée de cours… Cependant, jamais rien n’aurait pu la préparer à ce qui allait se passer. Après avoir brièvement salué son amie, elle se précipita dans le hall d’entrée de son immeuble, montant les marches à quatre à quatre, persuadée que l’ascenseur était encore en pane. Lorsqu’elle arriva au bon étage, les voisins étaient tous attroupés autours de la porte de son appartement et après avoir soufflé un bon coup, elle se précipita à l’intérieur de sa maison.
« Eh gamine, tu fais quoi là ? », lui demanda un policier, la retenant fermement par le bras.
« C’est chez moi ici, putain ! », cracha-t-elle, n’y comprenant rien. Les cris de sa mère se faisaient entendre à l’autre bout de l’appartement, l’alertant encore plus. Enfin, Joe apparut, les bras menottés derrière son dos alors que deux flics le tirés violemment hors de l’appartement.
« Trafic de drogue, j’espère pour toi que t’as un bon avocat ! », entendit-elle, avant d’enfin voir sa mère, dans la même posture que Joe, crier des mots incompréhensibles.
« Maman !!! Il se passe quoi ? Pourquoi y a les flics et/ », elle n’eut pas le temps de finir, qu’un flic la poussait violemment, contre un mur.
Au final, Joe et sa mère étaient accusés d’alimenter un trafic de drogues assez influent dans les bas quartiers de NYC. William avait pu parler à sa mère, cette dernière lui confessant les faits. C’était l’idée de Joe. Ils s’étaient fait un peu d’argent, mais bien évidemment, ils avaient fini par se faire choper, trahis par un membre de leur gang, qui avait tout balancé à la police. Will était désormais seule. Sa mère allait faire de la prison. Elle n’avait ni grands-parents, ni oncles, ni tantes… personne… à part son père, vivant à Hillston, au Texas.